Trois temps de recours images

Christian Gattinoni | 2008

« La main est une chose trop admirable pour qu’on la réduise à une imitation »
Martha Graham Mémoire de la danse Edition Actes Sud 1992

Il n’y a d’abord pas de recours face à cette nouaison.Les mots même restent pris dans les nœuds des jointures. Phalange dans cette immobilité apparaît comme frappé d’alignement.Ces mains cliniques font façade à laquelle on ne sait plus faire face, ces mains nouées dans l’arrêt irrémédiable de la mouve nous font perdre la face. Mains ce mot féminin pluriel échappe à sa définition dans le crispé d’absence de tout geste. Mains, dans le lexique masculin de l’autorité, se perdent sans l’horizon de ce qui fut sans conteste père. La fondation du père s’accomplit par défaut dans l’image réitérée des mains en trinité disparaissant à l’unisson des postures. Images fatales d’apaisement.

Mais au nom de quelle autorité de perte pure se croit elle habilitée, Perrine Lacroix, à héberger cette vision moins que jamais fugace dans la catégorie paysage. Au nom de cette permanence justement, mais figée dans le chantier arrêté des draps. Paysage ici dans sa raideur peut être. Il y a certes des plissements retenus d’une géologie de chair contrariée. Les plans se contredisent d’une géométrie mal appliquée dans ce qui s’organisa corps , avant que fustigé d’un dorénavant linceul. A grandes bordées de membres anthropo-amorphes le drap paysager se donne pour vedute. L’image retriplée simule quelque antique machine de post-vision. La triplette ici technologique étire panorama l’espace de cet interdit, lui donne principalement distance embardée avant qu’espace. Nous sommes dans l’indéfinition d’un seuil, là où la contemplation ne saurait nous consoler, à la lettre près dans le parc d’un deuil, et nous n’aurons d’autre recours que le classement historique du site dans les archives analogiques de nos chagrins.
L’appareil mains/silhouette déconstruit une mémoire d’identité au profit d’une fonction psychique qui parce qu’elle ne s’exerce plus post-mortem nécessite la médiation image.Contrairement à la représentation divine, père, fils, esprit, les trilogies manuelles et corporelles dans leur balbutiement visuel tracent ici le devenir icône de la figure du père mort.
D’une image semblable à l’autre, le trois décline le même, le différent et leur remémoration avec l’ajout de temps technique qui tente de coïncider avec le délai travaillé du deuil.

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Paysage | | 2004